Article tampon – new rules of chaos

Blah blah blah – c’est l’objet de ce blog – mon blog. Pourquoi faire ? Pourquoi parler, plutôt que de se taire ? Prémisse philosophique m’sieurs dames : pourquoi quelque chose, plutôt que rien ? Pourquoi pas ! Enfin, pour la vie, voyons – la vie plutôt que la mort. Non : la vie, avant la mort.

Alors je devrais m’encombrer de formes ? Je dis non : la vie avant la forme. Je dis : la forme oui, si la vie s’en arrange. Voilà.

La Turquie c’était bien. C’était le début de moi. Le voyage continue : doit continuer, alors continue. Place à la Sicile. Tant pis pour les impasses de Turquie – les articles en idées, jamais rédigés. Avanti, avanti ! Les idées prendront d’autres formes, d’autres chemins. Comme l’eau.

C’est l’objet de ce blog – mon blog. Voué à disparaître, comme toute chose. Qu’il soit un peu de mon ombre, et ce sera bien assez. Qu’il n’empêche pas ma course, mais en dessine – pourquoi pas ! – en pointillés, un peu de la trajectoire.

Trajectoire extérieure, certes : comme support de ma trajectoire intérieure.

How can you stay outside ? There’s a beautiful mess inside*.

Bienvenue dans mon joyeux chaos. Je veux dire : bienvenue à moi-même. Mais à vous aussi, à toi aussi – pourquoi pas ! Pourquoi pas, si dans mon chaos tu trouves ton chemin, un chemin, n’importe. Pourvu qu’il mène au chaos qui est le tiens.

* Far far – Yaël Naïm

 

Fausses lumières et divertissement touristique

Ca y est, je suis rentrée en France, et m’occupe plus tard que prévu de mes réflexions germées en Turquie. Celles qui suivent ont pris forme, en esprit à Ayasophia (Istanbul), et en mots à Kuşadası, plus au sud de la Turquie.

Si je dois faire le point touristique, j’ai fait le tour de la fameuse check-list du « parfait » touriste à Istanbul. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai déjà quitté Istanbul et ne la reverrai pas avant mon retour en France. Que me restera-t-il de ce voyage ? Sans doute, « scandaleusement », je ne retiendrai pas grand-chose des grands monuments historiques, qui font pourtant la fierté des habitants. Quelques flashs, quelques bribes visuelles, qui se flouteront tranquillement au fil du temps.

Je sais exactement pourquoi : parce que ces passages obligés du touriste m’ennuient plutôt. Parce que je les trouve hermétiques. Je n’y vois, souvent, pas beaucoup plus que les erreurs habituelles des humains « puissants » – vanités à base de dorures et de mégalomanie. Ce n’est pas nouveau, je ne parviens pas à me laisser éblouir par les ouvrages humains. Aussi grandes soient l’audace dans la conception, l’importance des moyens mis en oeuvre dans la réalisation, la finesse d’exécution… Je ne vois toujours qu’un travail d’agencement de matière. Ni meilleur, ni moins bon que celui des fourmis.

Je reconnais l’ingéniosité des techniques bien sûr, et son évolution au cours de l’Histoire. Mais le résultat final, lui… reste de ce monde. Et la Vie que je cherche sans cesse, je ne la trouve pas dans la pierre, si joliment agencée soit-elle. Alors je regarde les touristes grouillant là, à AyaSophia (huitième Merveille du Monde, dit-on ici) et je me demande si eux, trouvent ce qu’ils sont venus chercher ; si, peut-être, ils voient quelque chose que je ne verrais pas ; ou s’ils sont là simplement, comme ils pourraient l’être à Disneyland Paris : pour tuer leur ennui existentiel par le divertissement.

Pour ma part, les lumières clignotantes du divertissement agissent plutôt à l’inverse : elles attisent mon ennui existentiel. Les vanités que je vois ne détournent pas mon esprit de la mort, bien au contraire. Je ne peux pas accorder plus d’aura sacrée aux monuments anciens – tout religieux soient-ils – que je ne pourrais en accorder à des châteaux de sable. Les réalisations de ce monde appartiennent à ce monde, et se soumettent à ses lois. On peut bien tenter de toucher le ciel avec nos tours ; elles ne le toucheront pas plus que la simple fourmilière. Après tout le ciel commence au ras du sol.

Alors concevoir avec audace, certes oui – ne nous privons pas de ce bon bol d’exaltation pour attaquer la journée avec entrain. Mais pour ce qui est de la réalisation, n’oublions pas de nous y atteler avec la désinvolture de l’enfant qui joue et sait : la mer aura tôt fait d’emporter son château de sable à la fin de la journée.

Je me souhaite le même détachement à l’avenir, quelques soient mes constructions dans ce monde. Cet article est d’ailleurs bien trop long, il aurait pu tenir en quelques mots. Je peux bien empiler encore mille et mille autres de ces mots… Pour que ma construction puisse être mieux vue de tous, y compris de moi-même ; pour que le temps érode moins vite ma mémoire. Vue du ciel, ce ne sera toujours qu’une motte de terre, vite aplanie par les foulements de pas – de mes pas et et de ceux du monde.

Oui, les mots eux aussi sont matière. Les textes sont ni plus ni moins que des galeries de fourmis. Et les idées, j’en viens à les soupçonner d’être faites de terre également, n’en déplaise à Platon. Elles aussi, ont cette faculté terrible de divertir, de faire écran, et de dissimuler la Vérité, la Vie. Celle que je cherche plus que tout. Nue, brute, vibrante.

Et il y a fort à parier que je l’aurai trouvée, quand je pourrai enfin me taire.

De la joie de se perdre

Les sentiers battus m’ennuient vite. Aussi je m’en écarte au hasard, à la première occasion. Je le fais aussi pour conjurer la peur. J’ai eu peur en prenant l’avion – peur d’aller vers l’inconnu. Et j’ai accueilli joyeusement cette peur en moi. J’ai eu peur mon premier jour seule à Istanbul. Et c’était exaltant. La peur fluidifie la Vie, celle-ci circule alors plus librement dans l’être. Rien à voir avec l’angoisse, qui épaissit les flux, et pétrifie.

C’est un bonheur de se perdre, parce que l’on est jamais perdu. Etre perdu, c’est simplement être libre. Ici, je souffre encore de la contrainte des horaires. La mère de famille m’attend : je dois encore minimiser ma marge d’égarement, pour ne pas manquer mes rendez-vous. Je dois toujours veiller à réduire ses inquiétudes.  Je n’avoue pas mes errances et mes découvertes. Je sais qu’elle ne connait rien de Silivri en dehors de la place et des rues principales, alors qu’elle vit juste à côté. Moi, en un jour, j’y ai gravi des ruelles délaissées, j’ai rencontré les gens dans leurs chez eux vétustes. J’y ai trouvé des points de vue superbes et déserts.

Ce n’est que le début. Parce que je l’éprouve désormais : on n’est jamais perdu que pour les autres. Ils impriment sur nous le poids de leur inquiétude.

Il en est de même pour mon chemin de Vie. J’ai laissé trop longtemps les habitants des plaines affoler ma boussole intérieure. C’est en n’osant plus marcher autre part que dans leurs chemins déjà frayés que je me suis perdue. Pas grave, entre temps j’ai appris à marcher dans le soleil des plaines. Mais je m’en souviens enfin : depuis bien plus longtemps, je sais marcher dans l’obscurité des forêts – je n’ai pas à redouter les déserts humains.

Topkapı – Palais de Vie, Palais de Mort

Topkapı est un palais, malgré toutes les intentions de simplicité revendiquées. S’il attire le touriste, c’est parce que les humains qui y habitaient étaient haut placés politiquement, et matériellement très riches. Parce que le pouvoir et l’argent sont les appâts du touriste. Aussi, l’architecte a eu beau vouloir faire preuve d’humilité ostentatoire, en jouant un peu avec la symétrie, il fallait tout de même qu’il imagine un lieu assez beau pour représenter le pouvoir ; et assez grand pour accueillir le sultan, sa famille, et tous les humains gravitant autour à leur service. Ainsi est fait le cerveau humain. Ses plus belles intentions ont bien du mal à se concrétiser dans la réalité.

A Topkapı, les vanités s’entassent, trésors de conquêtes ou cadeaux diplomatiques, bijoux, émeraudes géantes, accessoires chargés de pierres précieuses. Le sultan n’était pas souvent là, paraît-il : il était ailleurs, menant ses guerres. Nomade ? Je préfère sa vie à celle des gens enfermés dans cette prison dorée. Mais je m’interroge. Pourquoi vivait-il ? Etait-ce pour entasser tous ces cailloux brillants ? L’humain est-il ainsi fait qu’il éprouve toujours le besoin d’amasser ? Je me sais libérée des vanités palpables : je me fous pas mal des objets physiques de ce monde, quels qu’ils soient. Mais notre siècle amène avec lui son nouveau lot de cailloux brillants, immatériels cette fois. N’est-il pas tout aussi vain de collectionner les images… les connaissances… les idées ? Je l’ai déjà dit, un des mes objectifs principaux est de me débarrasser des encombrants – physiques ET cognitifs. Mais serai-je capable de me libérer définitivement de toute vanité psychique ? 

J’aime Topkapı parce qu’il est comme mon aveu d’ignorance sur ce blog. Il part d’un renoncement ostentatoire à la perfection. Pour conjurer les peurs, pour faire un pied de nez au monde. Pour oser enfin construire et vivre.

Mais si je construis un nouveau Palais en moi, est-ce que je m’enferme à nouveau à l’intérieur ? Est-ce que, irrémédiablement, je vais y amasser à nouveau ? Il est dit de Topkapı qu’il n’a eu de cesse de se construire et d’évoluer, comme un organisme vivant. Je n’ai plus peur de construire parce que je pourrai toujours rajouter des parties manquantes plus tard, ou même casser pour reconstruire. Mais le risque est grand de retomber dans les écueils du sédentaire.

A Topkapı, les pierres des murs et les cailloux précieux me laissent froide, je le sens. Or je reste fascinée par les arbres plusieurs fois centenaires. Eux seuls vibrent de mystères profonds, et je comprends qu’eux seuls recèlent la Vie. Ils n’ont pas revendiqué d’intention. Ils ont grandi comme ils le devaient, et de la plus belle façon : bien au-delà des intentions humaines de perfection et d’imperfection.

Topkapı VS Dolmabahçe : le choix de la simplicité

 J’ai eu la chance de « décider » – par hasard – de visiter Topkapı en début de journée. Parce que j’ai accepté de suivre un faux guide, pour la connexion, et qu’il m’a détournée de mon plan premier (Ayasophia), pour m’emmener dans la Mosquée Bleue puis sur le chemin du palais. J’ai eu la chance à nouveau d’entamer la conversation avec Harun, sans aucune intention de prendre un guide, mais par curiosité et pour la connexion. Et j’ai encore eu la chance qu’il apprécie assez notre échange pour vouloir m’offrir ses services et prolonger notre connexion.

Leurs motivations à chacun étaient quelque peu différentes des miennes, sans aucun doute. Je n’attends pas de la vie qu’elle m’envoie des guides irréprochables. Je sais déjà que n’importe qui peut posséder de précieuses clefs à son trousseau – parfois à son insu. N’avez-vous jamais, en parlant avec quelqu’un, posé une de vos clefs banales sur la table, et découvert qu’elle s’avérait précieuse pour lui ? Peut-être était-elle dans votre trousseau spécialement pour lui.

Le Palais de Topkapı a été construit peu après 1453, et fut la principale résidence de tous les sultans jusqu’au XIXème siècle. Comme l’endroit est également célèbre pour son harem, mon nouveau guide attire mon attention sur la signification du mot : « harem » désigne, ni plus ni moins, tout ce qui appartient à la sphère privée (intimacy en anglais)… Loin des fantasmes polygamiques qu’on s’en fait, et pour cause : Topkapi a été construit dans un contexte religieux. Harun m’explique alors que la simplicité est une composante essentielle du lieu, et m’incite à prêter attention aux détails. L’absence de symétrie, l’absence d’unité dans les formes, les styles, les couleurs : entrées des bâtiments désaxées les unes par rapport aux autres, colonnes de couleurs et de nombres irréguliers de part et d’autre… Cette imperfection est un choix délibéré dans l’architecture du lieu, parce qu’elle est une notion importante dans l’islam : « la perfection appartient à Allah ».

Et puis le XVIIIème siècle est arrivé, avec son luxuriant style rococo à la française. Il s’est greffé par-dessus le bâti existant, en ornements reconnaissables. Le Palais de Dolmabahçe s’est construit à cette époque. Harun s’amuse à me dire que j’aurai aussi vite fait de visiter Versailles. Je le prends au mot : je ne visiterai pas Dolmabahçe. Je crois que ses atours superficiels ne m’apprendront rien que je ne connaisse déjà.

Et puis Topkapı m’a donné bien assez de matière à penser, et à construire.

En réalité, j’ai déjà – enfin – pris le parti de l’imperfection. C’est ce qui me permet, notamment, d’écrire ce blog aujourd’hui. L’imperfection est soeur de rire et de légèreté existentielle. Et j’aime bien mieux fréquenter ces soeurs-là, maintenant que je les ai retrouvées. Finalement, Topkapı vient simplement comme caisse de résonance de mes vibrations nouvelles. Comme un livre que vous ouvrez et qui vous parle de vous : vous appréciez de lire ce qui se trouve déjà en vous, formulé différemment. Et votre âme bondit dans votre poitrine de découvrir ses intentions en phase avec celles d’un écrivain, et ainsi affranchies de l’espace et du temps.

1453 et aveu d’ignorance

Après mon provocateur voeu d’ignorance, mon aveu. Einstein n’a-t-il pas défini les deux choses qui n’ont pas de limites dans ce monde, soient l’univers et la bêtise ? Sa cousine l’ignorance est tout aussi illimitée – la mienne en particulier. Mais depuis que je ris de l’étendue de mon ignorance, clairement, ma santé mentale se porte bien mieux.

Ces derniers temps me confrontent à nouveau à une date – 1453. Les mieux formatés répondront du tac au tac : prise de Constantinople. Vague évocation du temps du par coeur à l’école, avec ses lots de petites coquilles vides de sens, qui stagnent toujours là, quelque part en moi. Je sais bien pourquoi j’ai toujours été assez médiocre en Histoire : je n’y voyais aucun sens. Simplement parce que le sens qu’on lui donne, trop souvent, n’est pas celui de la Vie. On se contente de l’observer de l’extérieur, comme un bloc de marbre, rigide et froid. De toute évidence mon imagination n’avait pas la force de compenser. L’écolière que j’étais reliait « 1453 » et « Constantinople » à de l’air chaud, une vision d’un peu de sable et d’un bout de mur en pierres ocres ; point d’humain, point d’intention ; un cri collectif de guerriers tout au plus. C’était juste assez pour mémoriser un nom exotique ; bien trop peu pour y accorder plus d’intérêt qu’à un vulgaire caillou.

Ici, maintenant, la date s’impose autrement. Elle flotte un peu partout sur les vestiges du passé de la ville, et l’Histoire de cette partie du monde se noue sur elle. Elle est comme une porte d’entrée. Bien sûr, mes coquilles bien vides ne contiennent aucune clef. Je me contente, pour le moment, de regarder avec curiosité par le trou de la serrure. Comme j’y vois de la vie vibrante, j’ouvrirai cette porte, tôt ou tard.

En attendant, je me dis que l’école n’a été, en grande partie, qu’une succession de couloirs. De longs couloirs pleins de portes fermées. Nous sommes passés devant beaucoup d’entre elles ; nous avons appris leurs noms, leurs dimensions, le mécanisme de leurs poignées. Quelques unes ont été entrouvertes, et nous avons eu le loisir de jeter un coup d’oeil avant qu’elles ne soient bien vite refermées. Je ne blâme pas les professeurs, eux aussi étaient captifs de ces labyrinthes de portes. Et je sais aussi aujourd’hui, d’expérience, qu’à force de vivre sous lumière artificielle, on finit par oublier le soleil, et le bonheur que procurent ses rayons. Certains professeurs pourtant, plus inspirés que les autres, ont ouvert les portes un peu plus grand, pour nous faire éprouver davantage la réalité vive… Suffisamment pour nous donner envie de conserver quelques clefs dans nos coeurs.

Mais les clefs, et les portes, et les couloirs, ne sont que de la matière morte. Pour les avoir visités, j’ai surtout une idée plus précise de mon ignorance : je peux la mesurer et la compartimenter. Cela me va, et je remercie les artisans pour leur ouvrage, qui me servira encore. Mais j’espère aussi ne plus jamais oublier le plus important : seule compte la réalité vive, derrière chacune de ces portes ouvragées.

Triple victoire matinale

Je suis matinale depuis que je vais bien – saine victoire. Je me réveille avant le soleil, quand tout sommeille encore, quand il fait encore froid dehors. A peine levé, le soleil tiédit le jour, alors je peux m’installer dehors pour penser.

Ce matin, Tibet, la petite fille dont je m’occupe, est venue troubler le calme de ma solitude à 8h26. La nourrice n’est pas encore réveillée. D’ordinaire, les enfants sont mis devant l’autel de la télévision à tous les repas. Leur « temps de cerveau disponible » est intégralement absorbé durant ces périodes extensibles.

Elle me réclame déjà son petit déjeuner et la télévision. Je lui tends son assiette et place la télécommande hors de portée. Je lui ai déjà appris le mot « dehors », je m’en réjouis à cet instant. Elle s’éloigne finalement du rectangle des Bermudes et me rejoint à la table de la terrasse – cette victoire est la sienne. J’espère simplement qu’elle s’ouvre au matin, et lance une musique douce et joyeuse en fond, pour que son esprit gambade librement.

Victoire de courte durée pour elle, sitôt que la nourrice est levée. Peu importe, je ne suis que de passage : tout au plus je peux jeter au vent quelques graines. Et poursuivre ma propre croissance. Ultime victoire : je garde le cap sur ma mission première ici-bas.

Impasses touristiques VS connexions humaines

Sur la check-list des incontournables du « parfait » touriste à Istanbul, je ne cocherai pas le palais de Dolmabahçe. Comme je le disais dans un précédent billet, je me fous de me « cultiver » par vanité ou comme fin en soi. Je ne suis pas là (en Turquie, et sur cette Terre) pour cocher quoi que ce soit. Je suis là pour vivre.

Je ne comptais pas non plus visiter les autres mosquées, après être entrée dans celle de Sultanahmet (Mosquée bleue). Mais le lendemain matin, Süheyl a décidé de m’accompagner dans Istanbul. Comme il semblait vouloir rester en ma présence, je n’ai pas refusé la connexion humaine, qui est une des voies de la vie. J’ai renoncé provisoirement à mon programme et à ma solitude, et choisi l’entrain pour le suivre là où il souhaitait m’emmener.

Il se trouve que ma solitude avait déjà été écourtée la veille.

Ce jour-là, mes premiers pas dans le square de Sultanahmet sont rapidement accompagnés de ceux d’un prétendu étudiant, prétendu guide, que le laisse me « guider » à la Mosquée Bleue et sur le chemin Topkapi : je m’amuse un moment de sa présence insistante et maladroite, avant de le congédier.

Ma solitude sera de courte durée : le temps de traverser le grand parc arboré du Palais et d’acheter mon ticket. Je fais alors la connaissance d’Harun. Posté à l’entrée, il est guide (pour de vrai, cette fois) et professeur d’Histoire à l’Université d’Istanbul. Son anglais est bien meilleur que celui de mon faux guide – à qui je dois tout de même d’avoir fait mon oreille aux « w » prononcés « v ». A vrai dire, je n’avais aucune intention d’entrer avec un guide ou même un audioguide. Mais comme nous sympathisons, il souhaite me faire la visite gracieusement pour prolonger la connexion – j’accepte volontiers.

C’est avec ses indications, avisées et personnalisées, que je déciderai de faire l’impasse sur Dolmabahçe.

Vœu d’ignorance – Minimalisme culturel

 Je ne veux pas être cultivée. 

Bon, je le dis par provocation : je ne le veux pas, dans le sens actuel du mot. Je le laisse aux vaniteux, pour qui ce n’est qu’un apparât mondain ; et je le laisse tout autant à ceux qui en font un objectif en soi – la culture pour elle-même ne me semble qu’une forme plus sophistiquée du consumérisme.

Je cherche ardamment à m’extraire de la vanité et du consumérisme, qui ne sont que des illusions dressées contre la mort. Comme je renonce à me charger de matière superflue, je renonce aussi à me charger de connaissances inutiles. Et je n’ai que faire de celles qui ne m’éclairent pas sur ma propre humanité.

Les Mosquées : différence culturelle VS indifférence spirituelle

Sur la check-list du « parfait » touriste à Istanbul, je peux désormais cocher les principales mosquées.

  • Mosquée Bleue – Done
  • Mosquée Süleymaniye – Done
  • Mosquée Ayasophia – Done

Je n’aime pas vraiment les églises. Par extension, je n’aime pas vramient non plus les mosquées. Je respecte les unes et les autres, ne serait-ce que par égard pour les humains qui y sont attachés. Mais sur le plan spirituel, elles n’ont que ma profonde indifférence. Dieu est omniprésent, n’est-ce pas ? Je comprends la démarche de lui consacrer un espace physique ; mais je crois qu’elle égare les hommes plus qu’elle ne les aide.

Reste le pouvoir qu’ont ces ouvrages humains d’interpeller l’œil du voyageur : j’aime la différence de ces silhouettes qui façonnent le visage d’Istanbul.

Reste la performance artistique : l’inspiration d’une transcendance, quelle qu’elle soit, a poussé l’humain à se surpasser, à la fois en termes d’ingéniosité technique et de créativité esthétique.

Reste l’empreinte historique : ces constructions sont des témoins qui jalonnent l’évolution de notre espèce. Ce sont des morceaux d’humanité en héritage : ils font partie, qu’on le veuille ou non, de ce que nous sommes aujourd’hui.